Aperçus d’un voyage de 15 jours au Vietnam et Laos avant, pendant et peut-être un peu après, J-15
10 130 kilomètres d’un glissement de doigt
Il suffit de taper dans la zone de recherche Google « distance dans le monde » pour accéder en un clic au calcul de distances entre grandes villes mondiales. C’est le service proposé par « Notre planète info » ou « Le voyageur », le blog du site du Routard. Google Maps, grâce à la puissance de son algorithme œuvrant au service de l’humanité est bien sûr le graal incontournable pour mettre en place ce genre de service à l’utilité relative mais à portée de clic.
Je note au passage que le 4 janvier 2016 à 0 h 46, Samsam a commenté qu’il souhaitait connaître la distance entre Riyad et Téhéran.
A 13 h 41, le même jour, Christophe lui a répondu : « Avec notre calculateur, la distance entre Riyad et Téhéran est de 1307 km ». Cela montre qu’au final, ce genre d’outil nous laisse parfois démunis, nous incitant dans un ultime sursaut à refuser le choix de la machine (par incapacité ou par résistance ?) et à reprendre un semblant de contact avec nos semblables par commentaire interposé. Il reste alors une pauvre trace de ces échanges, jetés comme des bouteilles à la mer et perdus dans les limbes du web pour l’éternité.
C’est donc en cliquant sur l’appel à action, comme disent les marketeux, « Calculez la distance », que je mesure la distance entre Paris et Ho Chi Minh ville. Résultat : 10 130 kilomètres. Je peux aussi, nec plus ultra et sans supplément, convertir en un seul clic les kilomètres en miles mais du coup, je n’en vois cette fois pas l’intérêt.
La distance de 10 130 kilomètres est vite abolie par un glissement de doigt sur un des quatre iPhones en notre possession ce jour là, celui de L. en l’occurence, grâce à l’application WhatsApp qui nous permet d’être mis en relation immédiate avec D. et de voir son visage apparaître comme par magie sur le petit écran en une seconde à peine. Il reste encore notre génération de quinquas pour s’émerveiller béatement des prouesses de la technologie. Il y a bien longtemps que les générations dites Y et Z ne s’émeuvent plus de ce genre de détail et laissent les « X », fiers d’être à la page, avec une impression de marcher sur la lune ou d’être téléportés à chaque visio conférence à laquelle ils participent.
Jan Koum, de Kiev à Mountain View
Wikipédia, l’encyclopédie numérique dite libre, et nous ne demandons qu’à le croire, nous rappelle que WhatsApp a été fondée en 2009 par Jan Koum et Brian Acton, deux anciens ingénieurs de Yahoo, avec pour seul objectif de remplacer le SMS. On peut quand même ajouté à leur crédit qu’un autre enjeu affiché était celui d’inventer un outil respectueux de la vie privé dans les échanges numériques a contrario des pratiques de Apple ou Google par exemple. Une photo nous les présente en geeks absolus, Sweat-shirts et sourires béats. Cette bonhomie de façade ne doit pas faire oublier que WhatsApp a finalement été rachetée par Facebook en 2014 pour dix-neuf milliards de dollars, cette vente permettant à Jan Koum, né en Ukraine, migrant à Mountain View en Californie à l’âge de seize ans, de passer du statut de geek à celui d’un des 200 plus riches Américains selon le magazine Forbes avec une fortune estimée à plus de neuf milliards de dollars. Google, Yahoo, Facebook, petit monde clos et globalisé de jeunes entrepreneurs parachutés milliardaires et conte de fée idéalisé pour une génération en mal d’identification. Pour finir la parenthèse, Jan Koum a récemment démissionné de Facebook, visiblement en conflit sur les tentatives d’utilisation des données personnelles des utilisateurs de WhatsApp, c’est ce que raconte en tout cas l’histoire officielle de la success story. Toujours plus facile de jouer les dissidents avec neuf milliards en poche. J’ai du mal à croire à l’image sublimée de nouveaux héros des temps modernes en lutte acharnée contre Big brother. Je dirais simplement qu’ils s’en sont bien sortis et ont eu la bonne idée au bon moment.
En attendant de refaire le monde, WhatsApp nous transporte donc à 10 130 kilomètres pour échanger quelques mots avec D. et lui permettre une pause dans son travail de « Strategic management » et « Entrepreneurial process » concernant une étude de marché sur le secteur de la bière au Vietnam. Hâte du coup, de boire une bonne bière avec lui dans un bar d’Ho Chi Minh.
Dragon Hill 2
D. a l’air d’avoir pris ses marques au vingt-quatrième étage de la Dragon Hill 2. C’est le nom d’un jeu sur smartphone Android mais aussi d’une des deux tours de ce gratte-ciel ultra sécurisé, de plus de 100 mètres de haut, all inclusive, dans le quartier des expatriés du septième district de Saigon. Un rapide coup d’œil sur la vue satellitaire de Google Maps me fait apercevoir les deux tours, posées comme deux légos géants dans un quartier où les centres commerciaux et les building commencent à pousser comme des champignons, à sept minutes de la RMIT International University (branche de l’Institut royal de technologie de Melbourne). Quelques-uns des 65 avis sur la Dragon Hill 2 sont éloquents. « Good place. Nice view and swimming pool. Clean and serious. », traduit par Google par « Bon endroit. Belle vue et piscine. Propre et sérieux. ». Cela me parait correspondre mot pour mot à ce que nous à fait entendre D. dans nos quelques échanges et aux images postées sur sa « story » Instagram : piscine et belle vue, belle vue et piscine, c’est bien là. Bon rapport prix-prestations, sans oublier la sécurité, 24 sur 24, pour le côté « propre et sérieux ».
La tour est à environ deux kilomètres à vol d’oiseau de la rivière Song Dong Nai, rivière qui prend naissance, selon l’encyclopédie libre, « dans les montagnes centrales du Vietnam, en pays Moï et a donné son nom à la province de Dong Nai ». De notre côté, il faut que l’on trouve un endroit où se loger à Ho Chi Minh, idéalement à courte distance de la Dragon Hill. Par un dernier échange WhatsApp, D. nous indique l’hôtel Nguyen Shack, dans le district 1, au Centre, si ce mot veut encore dire quelque chose dans une ville de presque neuf Millions d’habitants, à « quinze minutes en taxi scoot », cela sent le vécu. Aucune envie de passer plus de temps dans de sempiternels comparatifs sur la toile mondiale pour trouver « the place to be » à HCM . Cela sera donc le Nguyen Shack « Saigon Tea Coffee & Spirit Collection », la promesse attise au moins la curiosité.
Allez, trois minutes encore devant l’écran qui me renvoie sa lumière blafarde, deux heures du matin à Paris, sept heures à Ho Chi Minh : Free wifi, Free breakfast, ambiance bouddhiste, bambou à tous les étages pour faire local, 22 euros la nuit, certifié Trip Advisor au rang 27 sur 605, note de 8,8 sur Booking. Bonne pioche. Rendez-vous donc à la cabane de Nguyen, traduction littérale mais moins vendeuse du Nguyen Shack « Tea Coffee & Spirit Collection », réservation Visa dans les 10 minutes, et terrible impression d’un voyage désiré mais tellement balisé par le réseau mondial. Je me demande juste encore si dans « Spirit collection », il faut entendre prestations spirituelles et méditatives ou collection d’alcools forts. Ne pas oublier de vérifier sur place.