« Une image peut être absente mais présente par son aura. Personne n’a encore fait de montage avec des images qui n’existent pas. C’est un peu ce que j’essaye de faire dans l’architecture de mes films : rendre visible au spectateur des images qui n’y sont pas. Une représentation absente peut être encore plus forte. La possibilité d’existence irréelle d’une image absente, c’est ce qui fait le mystère d’une image à distance. » (1)
1992, Galerie Nationale du Jeu de Paume, des images en mouvement, un noir et blanc très contrasté, du grain sur l’écran, une musique lyrique, un silence et un message profondément humaniste, la nature mise en scène, un vol d’oiseaux migrateurs, des visages de paysans, le flux et reflux d’un torrent.
Le montage à distance décrit par Artevazd Pelechian offre une approche musicale, polyphonique, une manière unique de filmer le mouvement, une œuvre inclassable entre la poésie, le documentaire et l’expérimentation. Serge Daney écrivait de lui : « Un cinéaste, un vrai. Inclassable, sauf dans la catégorie à tout faire du » documentaire « . Pauvre catégorie ! Il s’agit en fait d’un travail sur le montage comme j’avais fini par croire qu’il ne s’en faisait plus en URSS depuis Dziga Vertov. Sur, avec, et contre le montage. J’ai soudain le sentiment (agréable) de me trouver face à un chaînon manquant de la véritable histoire du cinéma. » (2)
Ses films sont comme une révolution, un cycle de vie : Au début, Nous, Les habitants, Les Saisons, Notre Siècle, Fin, Vie.
Fin, par exemple : L’exil, le mouvement, avec ces regards captés au plus juste, une distance qui rend l’humanité palpable, émouvante, fragile, dans l’emprise de son destin, jusqu’au gouffre, jusqu’au fondu au noir, le tunnel, la peur ancestrale des exodes, des génocides, puis l’éternel recommencement, parfois porteur d’espoir dans la lumière aveuglante du lendemain.
(1) Artavazd Pelechian – Extrait d’un entretien réalisé par François Niney, à Paris, Cahiers du cinéma, n° 454, mai 1991(2) Serge Daney, Libération, 11 août 1983